Noir Désir : futur classique de notre histoire rapologique ?

Publié le par Maxime Fidèle

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Noir Désir. C'est le nom du troisième album de Youssoupha, rappeur français aussi connu pour son cheveu sur la langue que pour son talent hors-norme. D'ailleurs, je crois qu'on est tous d'accord pour dire que Noir Désir est le meilleur album rap français de ce début d'année 2012, non ? Peut-être même de l'année ? Sorti le 23 janvier 2012, l'album du lyriciste bantu avait créé un énorme buzz bien avant cette date, grâce notamment à sa très bonne digitape En noir & blanc sortie en 2011 et le clip de Menace De Mort, chanson percutante qui en plus de rebondir sur l'affaire Youssoupha-Zemmour, remet en avant un des fondements du Rap et du Hip-Hop en général : la dénonciation. "Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position ?".  Et une chose est sûre, cette énorme attente suscitée tout au long de l'année 2011 autour de Noir Désir ne fut pas vaine car Youssoupha nous offre une pépite musicale qui a réussi à mettre aussi bien d'accord les puristes que les critiques généralistes et le grand public. Unbelievable.
 
 
 
Déjà, l'album débute sur une chanson aux influences rock dont le titre reflète le message fédérateur que veut faire passer Youssoupha : L'amour. En effet, malgré la haine ou la mélancolie qu'on peut ressentir dans certains morceaux, l'ensemble de l'album est imprégné d'espoir, "one love" comme il le répète entre deux punchlines. Dans le fond, j'ai toujours ressenti dans ses textes un humanisme assez profond, comme à travers ses deux précédents albums, mais là, il a réussi à habiller son discours d'une forme inédite et remarquable en prenant beaucoup de risques sur le plan musical.

C'était juste ce qui manquait au rap de Youss et ces prises de risque donnent un des album de rap les plus éclectiques qui m'ait été donné d'écouter. On navigue entre une instrumentale aux sonorités indiennes pour J'ai Changé ou aux sonorités africaines pour Les Disques De Mon Père et Noir Désir (super sample de Staff Benda Bilili). Une instrumentale imprégnée d'une soul enivrante pour Viens ou une instrumentale plus pop comme pour Histoires Vraies et Dreamin', ou plus classique comme pour Menace De Mort et Irréversible. Tous ce riche travail réalisé par les producteurs comme CHI, Soulchidren ou Skalpovitch nous font voyager entre plusieurs paysages, entre plusieurs stratosphères, entre l'obscurité poisseuse d'un hall et la lumière aveuglante d'un désert. On a même droit à de vraies surprises comme sur Gestelude Part. 1 avec une reprise des battements de main et de pied de We Will Rock You, ou un refrain explosif de dubstep sur La Vie Est Belle.
 
 
 
 
Mais Noir Désir ne doit pas son succès uniquement à son exceptionnelle diversité musicale mais aussi bien sûr à la performance du Prims parolier sur chacun des 18 morceaux composant l'album. Déjà que le bonhomme était bon à l'époque d'Eternel Recommencement et était considéré comme le rookie de l'année 2005, sa plume et son flow n'ont cessé de prendre du poids jusqu'à aujourd'hui et maintenant il se "pavanne" sur l'instru avec l'aisance d'un ancien et balance systématiquement une punchline toutes les deux mesures. Et  on voit vraiment l'évolution en maturité de Youssoupha dans la variété des thèmes abordés : bien que ce soit sa marque de fabrique, le rappeur ne fait pas que du rap conscient et on a donc droit à du bon égotrip à vous en briser la nuque comme sur les Gestelude ou Irréversible, ou encore du rap festif comme sur Les Disques De Mon Père.

Mais là où Youss nous offre vraiment quelque chose d'inédit, c'est sur le titre L'Enfer C'est Les Autres qui reprend une célèbre citation de Sartre. Ce texte m'a troublé tant la vérité qui en émane m'a transpercé comme le font vraiment de trop rares morceaux de rap aujourd'hui (Despo !!), une vérité sur notre relation avec autrui qui je pense nous concerne tous. En bref, le pilier de Bomayé Music peut se targuer de nous faire kiffer sur de l'égotrip ou du dansant, de nous faire vibrer et rêver sur des morceaux remplis d'émotion comme La Vie Est Belle et de nous faire réfléchir.
 
 
En plus de la participation des producteurs cités plus haut dans le deuxième paragraphe, l'album bénéficie d'une palette de featurings de haute volée : l'équipe de Bomayé Music (S-Pi, Sam's et Taïpan), Corneille, la magnifique Indila, le groupe d'électro français LFDV, REDK, les anciens Lino et Shurik'n, et la grande surprise des featurings, le grand chanteur africain Tabu Ley Rochereau qui n'est autre que le père de Youssoupha (je vous laisse deviner sur quel morceau il intervient) ! Chacun a bien fait le taf et aucun n'est à jeter. Puis je ne vous ai pas parlé d'un featuring à la fin du morceau La Vie Est Belle qui m'a tout simplement laissé sur le cul la première fois que je l'ai entendu.

C'est très difficile de trouver des défauts à cet album tellement il excelle dans tous les domaines. Certains reprochent à Youssoupha d'avoir toujours le même flow et de ne pas le varier. Certes il n'a pas la technique d'un Soprano ou d'un Rohff mais vu que son "monoflow" s'accorde sans problème à toutes les instru de l'album, je n'ai ressenti aucune lassitude à écouter sa façon de poser ses lyrics. J'ai juste remarqué un ou deux morceaux qui étaient trop revus au niveau de la forme, d'où un manque d'originalité (pas de qualité) comme sur Tout L'amour Du Monde.

En bref, l'album Noir Désir est un disque dont la musique universelle et intemporelle sert de façon remarquable la verve et le discours d'un rappeur exceptionnel et qui finit de l'assoir sur le panthéon des meilleurs rappeurs français. Sans aucun doute. Une beauté musicale qui se reflète dans la pochette de l'album dépeignant avec onirisme son titre rempli de symboliques. Et si il est encore trop tôt pour donner une réponse à la question "Noir Désir est-il un classique de l'histoire du rap français ?", après avoir réécouté quatre fois l'album en écrivant cette chronique, je suis sûr qu'il a les épaules pour porter ce titre largement mérité. En attendant le prochain "geste" de Youssoupha, ONE LOVE.
 
 
 
17,5/20
           
 
 
               
PS : pour ceux qui désirerait mieux connaître le personnage sans forcément passer par sa musique, voici une vidéo de son interview sur le plateau de On n'est pas couché où Youssoupha répond avec brio aux critiques de Polony et Pulvar (et puis c'est tellement rare quand un rappeur français ne s'affiche pas dans ce genre d'interview !)            
 
 

Publié dans Musique

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S
Eh oui une voix d'ange !
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M
Tu m'étonnes ! Indila et sa voix sont juste magnifiques ! #Iwannamarryher
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S
T'as mis ma chanson préférée du moment !<br /> Dreamin' - Youssoupha featuring Indila<br /> <br /> ;)
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