René

Publié le par Maxime Fidèle

denoel11284-2012.jpg

 

 

En 2025, après des années de répression politique à l'égard des populations des quartiers populaires, la France s'est radicalisée. Des groupes paramilitaires sont chargés du maintien de l'ordre, un référendum pour le rétablissement de la peine de mort est prévu. Dans ce contexte, René, entraîné par Edgar, un délinquant obsédé et violent, va vivre l'été de ses premières fois.

 

René est le deuxième roman écrit par Sérigne M. Gueye, rappeur français plus connu sous le pseudonyme de Disiz La Peste. Paru chez Delanoël le 8 mars 2012, j'ai entendu parler de ce roman lors de mon passage au Salon du livre (16-19 mars) où j'ai d'ailleurs eu l'incroyable occasion de rencontrer Disiz en personne qui dédicaçait son livre face à une foule assez maigre. En effet, Disiz est surtout connu pour sa plume aiguisée qui, après plus de dix ans de carrière dans le "rag game", lâche encore des lyrics tranchants qui affirment son rôle de taulier dans le rap français.

Mais une bonne plume dans un 16 mesure ne fait pas forcément une bonne plume dans l'écriture d'un roman et j'étais curieux de savoir comment Sizdi se débrouillait dans ce dernier exercice. Je n'avais pas été attiré par l'intrigue de son premier roman, Les Derniers de la Rue Ponty, mais, alors que j'étais surtout venu à son stand pour me faire dédicacer l'album Disiz The End, j'ai lu par curiosité la quatrième de couverture de René et j'ai directement accroché à l'histoire de ce gamin timide et paumé dans le tableau d'une France futuriste mais pas totalement irréelle sur le plan socio-politique.

 

429414_3198804141513_1608309089_32619215_652245832_a.jpg

 

Et franchement, après l'avoir dévoré en deux jours, je peux vous dire que c'est pas mal du tout ! Disiz a réussi à m'emporter sans problème dans son univers très bien dépeint à travers le langage de "tess" et un sens du détail qui m'ont rappelé à mes années collège passées dans la cité de Saint Hubert (nostalgie quand tu nous tient !). Il nous décrit une France totalitaire dirigée par Marine Le Pen où les quartiers populaires se sont transformés en ghettos brûlés, où la majorité légale a été fixée à 14 ans et où Paris a avalé l'étendue de sa banlieue pour former une gigantesque mégalopole. La chronologie qu'il fait d'ailleurs au début du roman, qui détaille ce qui s'est passé de l'année 2012 à l'année 2025, montre comment la France pourrait se transformer en dictature de façon assez crédible. Mais ça ce n'est que le contexte fictif qui sert d'arrière plan à l'histoire d'un jeune gamin métis de 13 ans, j'ai nommé René.

 

René, à travers duquel on voit l'histoire, est un gamin rêveur et isolé à cause d'une timidité maladive, qui vit seul avec sa mère alcoolique dans une cité de banlieue parisienne comme une autre. Par hasard, il rencontre le jeune Edgar, une jeune délinquant de son âge qui va le fascinner et le faire sortir de chez lui pour découvrir la vraie vie et ses coups durs, à la veille de sa majorité. Ces deux personnages que tout oppose sont extrêmement attachants, chacun a une personnalité riche bien mise en exergue par l'auteur, entre la timidité de René symbolisée par une petite araignée intérieure (belle métaphore) et l'inconscience et l'humour d'Edgar. De plus, les dialogues sont géniaux, extrêmement réalistes dans leur violence et parfois tellement drôles, malgré la mélancolie qu'on ressent dans la narration qui retranscrit les pensées de René.


La grande partie de l'histoire raconte sur un rythme régulier les expériences de ces deux amis atypiques, entre leur braquage raté ou la première expérience amoureuse de René, et en parallèle, on suit de loin le chemin de Balna, une ancienne icône de la révolte des quartiers contre le gouvernement répressif arrivée 8 ans avant le début de l'histoire. C'est d'ailleurs lorsque la route de René croise celle de Balna (rencontre sanglante) que l'intrigue démarre vraiment. Or cette rencontre ne survient qu'à un quart du livre avant la fin ! Non pas que les trois premiers quarts du livre soient déplaisants, au contraire, l'auteur prend le temps de bien poser son histoire et surtout de bien développer la personnalité de chaque personnage, nous immergeant plus facilement dans son monde. Sauf que le dernier quart du livre pâtit d'une surcharge d'action où l'aldrénaline explosive nous emporte d'un coup comme elle l'emporte René dans une situation infernale où il n'y a aucun espoir de retour. Vers la fin de ma lecture, au vu du peu de pages restantes qui défilaient comme les grains de sable dans le sablier, alors que l'action était à son summum, je me demandais comment Disiz allait réussir à finir son histoire ! Ba justement il n'a pas réussi...

 

La fin. C'est LE point noir du roman. Tellement noir que j'ai envoyé un mail à Disiz pour en savoir plus (mais poukwa t'as fait ça ??). En fait, il n'y a pas de fin, l'histoire se termine en pleine action essouflée et entre mille questions qui ,malgré quelques pistes, n'auront jamais de réponse. Jamais je n'étais autant resté sur ma faim, que ce soit dans un film ou dans un livre. Bref, je n'épiloguerai pas une éternité dessus et surtout je vous laisse vous faire votre propre avis, si je ne vous ai pas trop dégoûté de le lire ! Entendons-nous bien,  René est un bon roman dramatique et d'aventure sur fond politico-social, servi par un bon style et une plume qui maîtrise le savoir de la rue. Malheureusement, ce beau tableau est noirci par une construction du récit qui se révèle seulement à la fin être désastreuse et on termine (plutôt commence !) l'histoire sur une fin sous forme de coupure violente, comme si quelqu'un appuyait sur STOP au moment où Dark Vador dit "No Luke... I am your father". C'est vraiment dommage au vu du potentiel énorme que nous réservait l'histoire après s'être construite doucement. Trop doucement peut-être.

 

 

13/20


Publié dans Littérature

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Je n'aurai pas dit mieux ! Parole de fouiny babe ! ;)<br /> Plus sérieusement, j'attends son prochain roman en espérant qu'il pense aussi à lui donner une fin !<br /> May the force be with you
Répondre
R
Très bonne critique, très juste. Très déçu par la fin moi aussi, c'est dommage, le livre était vraiment bien construit, l'histoire entraînante, les personnages bien présentés, et le thème vraiment<br /> bien maîtrisé, bien qu'il pouvait paraître un peu "casse gueule" au premier abord. En plus d'être un bon rappeur, Disiz nous révèle des qualités d'écrivain, qu'il doit cependant encore travailler,<br /> au niveau de l'intrigue de ces histoires notamment !
Répondre